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Rétablissement des communautés de libellules (Odonata) dans les tourbières du Jura neuchâtelois (Suisse)
expand article infoArnaud Vallat, Christian Monnerat§, Sébastien Tschanz-Godio|, Laurent Juillerat
‡ Unaffiliated, Neuchâtel, Switzerland
§ Info Fauna, CSCF, Neuchâtel, Switzerland
| Service de la faune, des forêts et de la nature, Couvet, Switzerland
Open Access

Résumé

Les tourbières des Vallées de la Brévine et des Ponts-de-Martel ont perdu plus de 90% de leur surface au 20e siècle suite à l'exploitation industrielle de la tourbe. Les travaux de revitalisation entrepris entre 1996 et 2018 ont permis d'y augmenter le nombre de plans d'eau de 240 à 341, leur surface passant de 1.3 à 10.1 hectares. Dès 2005, les odonates ont fait l'objet de suivis réguliers dans plusieurs marais. En 2017 et 2018, un suivi exhaustif a permis de recenser 38 espèces. L'ensemble des données récoltées entre 1938 et 2018 concerne ainsi 52 espèces, soit plus des 2/3 de la faune de Suisse. Parmi elles, neuf figurent sur la Liste Rouge nationale. Les espèces inféodées aux hauts-marais profitent des mesures de revitalisation et voient leur nombre augmenter depuis 2005. Leucorrhinia pectoralis s'est ainsi implantée de manière spectaculaire dans 12 hauts-marais sur 15, alors que L. albifrons, l'une des libellules les plus rares de Suisse, se reproduit dans une tourbière ayant fait l'objet d'importantes revitalisations. De même, les découvertes d'Aeshna subarctica et de Ceriagrion tenellum laissent présager leur implantation dans la région d'étude. Fort de ce bilan positif, le canton de Neuchâtel prévoit de poursuivre son programme de revitalisations au moins pour les cinq prochaines années. Parallèlement, seule une gestion coordonnée des différents marais visant à garantir une offre variée en habitats permettra le maintien des espèces les plus exigeantes.

Abstract

Restoration of dragonfly communities (Odonata) in the peatlands of the Jura Mountains of Neuchâtel (Switzerland).

Over the course of the 20th century, the peatlands of the valleys of La Brévine and Les Ponts-de-Martel lost over 90% of their surface area due to the industrial exploitation of peat. Restoration work undertaken between 1996 and 2018 increased the number of bodies of water in these areas from 240 to 341 and their surface area from 1.3 to 10.1 hectares. Odonates have been regularly monitored in several of these wetland areas since 2005. In 2017 and 2018, an intensive monitoring program identified 38 species. Observations made between 1938 and 2018 included a total of 52 species, or over two-thirds of Swiss Odonata fauna. Nine of these species are found on the national Red List. Species strictly associated with peatlands benefitted from restoration measures; their numbers have increased since 2005. Leucorrhinia pectoralis is now established in twelve peatlands out of fifteen and L. albifrons, one of the rarest dragonflies in Switzerland, currently reproduces in a peatland that was the subject of intensive restoration. Discoveries of Aeshna subarctica and Ceriagrion tenellum may hint at future colonization of this region by these species. Given such positive results, the canton of Neuchâtel will continue its restoration program for at least the next five years. Only the coordinated management of diverse types of wetland habitats will allow for the survival of the most demanding species.

Key words

Odonata, peat bog, regeneration, revitalisation, Jura, Neuchâtel, red list species

Introduction

Les tourbières constituent des écosystèmes relictes liés aux biomes subarctiques. Elles abritent une communauté d'espèces de libellules hautement spécialisées, adaptées aux eaux acides et pauvres en nutriments qui les caractérisent (Spitzer et Danks 2006). Principalement distribuées dans des régions bien arrosées et fraîches, elles font partie des milieux les plus menacés de Suisse (Delarze et al. 2016; OFEV 2019). Des suivis récents montrent une diminution de la qualité et un assèchement sensible de 23% des hauts-marais étudiés (Klaus 2007), un constat que les effets du réchauffement climatique et en particulier les événements extrêmes plus réguliers (OFEV 2016) ne font qu'accélérer.

Les tourbières du Jura neuchâtelois sont essentiellement localisées dans les vallées de la Brévine et des Ponts-de-Martel. Les premiers indices de d'exploitation dans ces régions remontent à 1505 (Cattin 2018) et sont contemporains de l'implantation des populations humaines. La colonisation des vallées s'est faite graduellement et les drainages ont été étendus pour gagner des terrains agricoles. Les cartes Dufour (1846–1849) nous indiquent que l'exploitation de la Vallée de la Brévine était déjà bien avancée au milieu du XIXe siècle. L'exploitation des tourbières de la Vallée des Ponts-de-Martel s'est accélérée au XXe, atteignant un caractère industriel entre la première guerre mondiale et le début des années 1990. Ainsi, la surface des tourbières de la Vallée des Ponts-de-Martel a diminué de 91.4% jusqu'aux premiers inventaires (Grünig et al. 1986; Stuber et Bürgi 2019). Celle des tourbières de la Vallée de la Brévine a été réduite dans la même proportion.

L'initiative de Rothenthurm, acceptée par le peuple suisse en 1987, a stoppé l'exploitation et ancré la protection des marais dans la loi. En conséquence, la Confédération a lancé les inventaires fédéraux des hauts- et bas-marais et incité les cantons à la définition puis à l'application de plans de gestion. Les premiers essais de revitalisation des marais ont démarré dès 1996 dans la Vallée des Ponts-de-Martel (Matthey et Lugon 1999), puis dès 2005 dans la Vallée de la Brévine.

Les hauts-marais ont par ailleurs suscité l’intérêt de nombreux naturalistes de la région qui ont visité ces habitats particuliers à la découverte d'une flore et d'une faune uniques. Les premières observations d'odonates ont été effectuées ponctuellement à partir des années 1930 (de Beaumont 1941; Robert 1958; données non publiées de Villy Aellen dès 1943). Willy Matthey fut le premier à effectuer de véritables inventaires sur la tourbière du Cachot (Bas-du-Cerneux) et à établir une première liste exhaustive des libellules de ce haut-marais (Matthey 1971). Dans le même site, Catherine von Ballmoos (1989) effectua un nouvel inventaire entre 1986 et 1987. D'autres marais furent également inventoriés par Christophe Dufour dans les années 1970 (Dufour 1978). Enfin, avec la réactualisation de la Liste Rouge des Libellules de Suisse (Gonseth et Monnerat 2002), plusieurs tourbières neuchâteloises ont fait l'objet d'inventaires entre 1999 et 2001.

Des suivis d'efficacité ont été planifiés suite aux premières interventions de revitalisation. Ainsi, le Canton de Neuchâtel, par le Service de la Faune, des Forêts et de la Nature (SFFN), a effectué depuis 2005 plusieurs études visant à évaluer l'effet des revitalisations des tourbières sur les communautés de libellules. Ces insectes constituent un indicateur adapté du fait de leur réponse rapide aux changements hydrologiques et des exigences particulières de certaines espèces. De plus, le très bon niveau de connaissances à leur sujet et leur identification rapide sur le terrain en font un groupe fiable et facile à utiliser pour des suivis à long terme (Chovanec et Waringer 2001; Schindler et al. 2003; Kever et al. 2014). Les premiers résultats très positifs, avec notamment la colonisation de la plupart des marais par Leucorrhinia pectoralis (Chèvre 2015; Minot 2016), ont motivé la mise en place de la présente étude.

Ses objectifs sont les suivants:

  1. Améliorer les connaissances sur les odonates des tourbières neuchâteloises et sur leur répartition régionale.
  2. Évaluer l'effet des mesures de revitalisation sur le peuplement d'odonates des tourbières.

Méthode

Zone d'étude

Notre zone d'étude est constituée de deux sites marécageux de l'Inventaire des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale (Hintermann 1992): Les Ponts-de-Martel (n° 2) et La Brévine (n° 94). Ces derniers sont situés dans le canton de Neuchâtel entre 1000 et 1050 m d'altitude (Fig. 1). La zone comprend un complexe de 15 objets de l'inventaire fédéral des hauts-marais et des marais de transition d'importance nationale (Grünig et al. 1986; Tab. 1), ci-après dénommés objets.

Figure 1. 

La zone d'étude est délimitée en rouge et les sites marécageux inventoriés sont figurés en vert.

Table 1.

Objets de l'inventaire fédéral des hauts-marais et marais de transition d'importance nationale inventoriés.

No objet Nom Vallée Coordonnées centrales Surface [ha] Nombre de plans d'eau (suivi 2017)
15.1 Sous Martel Dernier Ponts-de-Martel 544658 / 202941 128.4 11
15.2 Sous la Roche Berthoud Ponts-de-Martel 543588 / 202835 29.2 2
15.3 Marais Rouge Ouest Ponts-de-Martel 546792 / 205038 27.4 2
15.4 Sur les Bieds Ponts-de-Martel 545741 / 203900 11.4 8
15.5B Marais de Brot Ponts-de-Martel 547052 / 203417 10.7 20
15.5H Marais Haldimann Ponts-de-Martel 546143 / 203578 4.1 4
15.6E Marais Rouge Est Ponts-de-Martel 547021 / 205879 7.5 9
15.6ES Marais Rouge Est-Sud Ponts-de-Martel 547522 / 205706 4.6 4
13 Maix Rochat Brévine 539789 / 205394 13.5 1
16.1 Saignes Jeanne Brévine 541873 / 206668 7.9 17
16.2 Bas-du-Cerneux Brévine 541218 / 206326 9.6 16
16.4 Bas-Belin Brévine 540553 / 206150 8.6 9
17.1 La Châtagne Brévine 538846 / 204653 3.1 2
17.2 Combe de la Racine Brévine 538690 / 204249 8.9 6
18 Rond Buisson Brévine 535233 / 202971 8.7 19

Relevés de terrain (2017–2018)

Une première campagne de terrain a été planifiée lors de la saison 2017. 130 plans d'eau ont été inventoriés à quatre reprises entre mai et août (Tab. 1) selon le protocole proposé pour la réactualisation de la liste rouge des libellules de Suisse de 2012–2015 (Info Fauna 2012). Les recherches se sont principalement focalisées sur les imagos par dénombrement semi-quantitatif. Les déterminations d'exuvies ont complété l'inventaire ponctuellement.

En 2018, des recherches complémentaires ont été conduites dans des milieux qui avaient échappé au premier inventaire, notamment les fosses de tourbage partiellement atterries (Rhynchosporion et Caricion lasiocarpae), avec Somatochlora arctica pour cible. En parallèle, nous avons suivi cette espèce par capture-marquage-recapture. Les estimations ont été réalisées grâce au programme Mark (White et Burnham 1999), selon la formulation POPAN du modèle Jolly-Seber (Arnason et Schwarz 1995) adapté aux populations ouvertes. Les paramètres retenus étaient phi(t)p(.)pent(t)N(.), à savoir une probabilité de survie variable dans le temps, une probabilité de capture constante et une probabilité d'entrée variable dans le temps.

Analyse des données

Données faunistiques

Nous avons comparé les données collectées durant notre étude à celles réunies précédemment. Celles-ci proviennent des premiers suivis cantonaux et de la banque de données d'Info Fauna.

Quatre périodes ont été considérées:

  1. Avant 1996: avant les premiers plans de gestion et les premières mesures;
  2. 1996–2004: premières revitalisations à la Vallée des Ponts-de-Martel;
  3. 2005–2016: début du programme cantonal de revitalisation et des suivis odonatologiques bisannuels dans les tourbières de Rond Buisson et Bas-du-Cerneux;
  4. 2017–2018: présente étude.

Hétérogénéité des données

Lorsqu'on se penche en détail sur ces données de comparaison, on constate qu'elles ont été acquises selon des protocoles très différents, selon les sites et les périodes. Elles se composent de collectes ponctuelles issues de relevés de collections muséales, de suivis publiés pour deux des quatre sites (Matthey 1971; Dufour 1978; Vaucher-von Ballmoos 1989), d'un travail de maturité (Bieri 1998), de la récolte ciblée des exuvies de Somatochlora arctica (Bas-du-Cerneux), de campagnes de capture-marquage-recapture (CMR) de Leucorrhinia pectoralis et S. arctica, d'observations ponctuelles et finalement d'observations réunies dans le cadre de protocoles standardisés (Liste rouge Odonates 1999–2001 et 2012–2015, suivis réguliers (Rond Buisson, Bas-du-Cerneux). Ainsi, selon les sites et les périodes, le nombre de visites et le nombre d'espèces relevées par visite sont très variables (Fig. 2).

Étant donné l'hétérogénéité des pressions d'observation selon les sites et les périodes, nous prenons le parti de considérer les espèces en présence/absence plutôt qu'en terme d'abondance.

Figure 2. 

Hétérogénéité des données et courbes d'accumulation selon les sites et les périodes. a) Sous Martel Dernier, b) Marais de Brot, c) Bas-du-Cerneux c) bis: détail des 1ère et 2e périodes, c) ter: détail des 3e et 4e périodes et d) Rond Buisson. Les années sont indiquées pour chaque première visite annuelle.

Offre en habitats

L'évolution quantitative de l'offre en milieux favorables aux libellules (nombre de plans d'eau, surfaces en eau) a été définie en compilant les anciennes orthophotos disponibles sur les serveurs cartographiques (Confédération suisse 2019, Géoportail SITN 2019), les données disponibles dans les plans de gestion des hauts-marais concernés (1996–2004) et dans la base de données des mesures réalisées par la suite (2005–2018). Ces documents non publiés sont déposés au Service de la Faune, des Forêts et de la Nature du canton de Neuchâtel.

Statut reproducteur et classification écologique

Le statut reproducteur des espèces a été défini en se basant sur les travaux de Chovanec (1999):

  • Reproduction certaine: présence d'exuvies ou de ténéraux (imagos fraîchement émergés);
  • Reproduction probable: observation de pontes, de tandems ou d’accouplements;
  • Reproduction possible: observation de l'espèce dans un milieu favorable;
  • Pas d’indice de reproduction, observation d'individus erratiques, dans un milieu défavorable.

De même, l'affinité des espèces avec les milieux tourbeux a été classée de manière décroissante (Gobat et al. 2010):

  • Tyrphobionte : qui se reproduit exclusivement dans les tourbières;
  • Tyrphophile : qui préfère nettement les tourbières à d'autres milieux;
  • Tyrphotolérant: qui peut se reproduire dans les tourbières mais dont l'optimum est ailleurs;
  • Tyrphoxène: qui n'est que de passage dans les tourbières.

Chaque espèce observée a été attribuée à l'une ou l'autre de ces catégories.

Résultats

Espèces recensées

Au total, 52 espèces ont été citées de notre zone d'étude depuis la première moitié du XXe siècle (Tab. 2). Parmi elles, neuf figurent sur la Liste rouge des libellules de Suisse à paraître (Info Fauna 2019) et trois sont considérées comme potentiellement menacées. La synthèse des données par période montre une nette augmentation du nombre de sites colonisés pour la majorité des espèces au fil du temps (Tab. 3). Après avoir atteint un minimum dans la période 1996–2004 (19 espèces), le nombre d'espèces avec indices de reproduction a régulièrement augmenté pour atteindre 29 espèces en 2017/2018 (Fig. 3). La tendance est la même quel que soit le lien au milieu tourbeux. Les espèces tyrphotolérantes montrent cependant la plus nette augmentation. Les espèces les plus répandues pour la période de 2017/2018 étaient Sympetrum danae, Libellula quadrimaculata et Leucorrhinia dubia avec respectivement 11, 9 et 9 objets occupés (Tab. 3).

Figure 3. 

Evolution temporelle du nombre d'espèces avec indices de reproduction (certaine, possible et probable), selon le lien au milieu tourbeux. Les espèces tyrphoxènes, considérées comme erratiques ont été exclues.

Table 2.

Espèces recensées sur les différentes périodes avec leur indice de reproduction (reproduction certaine ***, probable **, possible *, absence d'indice de reproduction -) et leur affinité aux tourbières.

LR 2019 Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018 Ecologie
Aeshna subarctica EN * * Tyrphobionte
Somatochlora arctica VU *** ** *** *** Tyrphobionte
Aeshna juncea LC *** *** *** *** Tyrphophile
Ceriagrion tenellum EN * * Tyrphophile
Coenagrion hastulatum VU *** *** ** *** Tyrphophile
Leucorrhinia dubia NT *** *** *** *** Tyrphophile
Leucorrhinia pectoralis EN * *** *** Tyrphophile
Sympetrum danae LC *** *** *** *** Tyrphophile
Aeshna cyanea LC *** *** *** *** Tyrphotolérant
Aeshna grandis LC * * ** ** Tyrphotolérant
Aeshna isoceles LC Tyrphotolérant
Aeshna mixta LC Tyrphotolérant
Anax imperator LC * * *** *** Tyrphotolérant
Anax parthenope LC Tyrphotolérant
Brachytron pratense LC Tyrphotolérant
Chalcolestes viridis LC * * ** Tyrphotolérant
Coenagrion puella LC *** *** *** *** Tyrphotolérant
Coenagrion pulchellum NT Tyrphotolérant
Cordulia aenea LC *** * *** *** Tyrphotolérant
Crocothemis erythraea LC Tyrphotolérant
Enallagma cyathigerum LC * ** ** ** Tyrphotolérant
Epitheca bimaculata EN Tyrphotolérant
Erythromma najas LC Tyrphotolérant
Erythromma viridulum LC Tyrphotolérant
Ischnura elegans LC * * * Tyrphotolérant
Ischnura pumilio LC * * Tyrphotolérant
Lestes dryas VU * Tyrphotolérant
Lestes sponsa LC *** *** *** *** Tyrphotolérant
Leucorrhinia albifrons CR *** Tyrphotolérant
Libellula depressa LC *** *** *** *** Tyrphotolérant
Libellula quadrimaculata LC *** *** *** *** Tyrphotolérant
Orthetrum albistylum NT Tyrphotolérant
Orthetrum brunneum LC Tyrphotolérant
Orthetrum cancellatum LC *** *** Tyrphotolérant
Orthetrum coerulescens LC Tyrphotolérant
Platycnemis pennipes LC Tyrphotolérant
Pyrrhosoma nymphula LC *** ** ** *** Tyrphotolérant
Somatochlora flavomaculata LC * ** *** Tyrphotolérant
Somatochlora metallica LC Tyrphotolérant
Sympecma fusca LC * ** Tyrphotolérant
Sympetrum flaveolum CR * *** * Tyrphotolérant
Sympetrum fonscolombii NA * *** Tyrphotolérant
Sympetrum meridionale LC Tyrphotolérant
Sympetrum sanguineum LC * * ** Tyrphotolérant
Sympetrum striolatum LC * * ** *** Tyrphotolérant
Sympetrum vulgatum LC *** ** *** *** Tyrphotolérant
Calopteryx splendens LC Tyrphoxène
Calopteryx virgo LC Tyrphoxène
Cordulegaster bidentata LC Tyrphoxène
Cordulegaster boltonii LC Tyrphoxène
Gomphus vulgatissimus LC Tyrphoxène
Onychogomphus forcipatus LC Tyrphoxène
Table 3.

Nombre de marais avec au moins une observation pour chaque espèce et par période.

Espèces Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018
Aeshna cyanea 4 4 10 15
Aeshna grandis 3 1 7 7
Aeshna isoceles 1
Aeshna juncea 3 4 12 15
Aeshna mixta 1
Aeshna subarctica 1 1
Anax imperator 2 1 9 10
Anax parthenope 1 1
Brachytron pratense 1 1
Calopteryx splendens 3 1 6 7
Calopteryx virgo 7 6
Ceriagrion tenellum 1 2
Chalcolestes viridis 1 4 2
Coenagrion hastulatum 4 5 10 14
Coenagrion puella 4 5 10 15
Coenagrion pulchellum 5
Cordulegaster bidentata 1
Cordulegaster boltonii 1
Cordulia aenea 4 1 8 10
Crocothemis erythraea 1 1
Enallagma cyathigerum 1 3 6 4
Epitheca bimaculata 1
Erythromma najas 2
Erythromma viridulum 1
Gomphus vulgatissimus 1
Ischnura elegans 1 5 3
Ischnura pumilio 1 3
Lestes dryas 1
Lestes sponsa 4 4 10 13
Leucorrhinia albifrons 2
Leucorrhinia dubia 5 3 10 14
Leucorrhinia pectoralis 1 14 12
Libellula depressa 4 3 10 8
Libellula quadrimaculata 3 4 11 14
Onychogomphus forcipatus 2 1
Orthetrum albistylum 1
Orthetrum brunneum 1
Orthetrum cancellatum 2 5
Orthetrum coerulescens 2 3
Platycnemis pennipes 1
Pyrrhosoma nymphula 4 3 10 12
Somatochlora arctica 3 1 6 6
Somatochlora flavomaculata 1 6 4
Somatochlora metallica 1
Sympecma fusca 1 1
Sympetrum danae 4 4 10 14
Sympetrum flaveolum 1 2 1
Sympetrum fonscolombii 3 4
Sympetrum meridionale 1
Sympetrum sanguineum 2 1 5
Sympetrum striolatum 1 1 1 1
Sympetrum vulgatum 3 3 5 2
Nombre d'espèces total 27 20 45 38

Discussion

Evolution de l’odonatofaune en fonction de l’offre en habitats

L'exploitation et la dégradation des tourbières ont largement précédé les premiers relevés exhaustifs menés sur les libellules. Nous n'avons ainsi, sur la base des rares données anciennes disponible, qu'une idée lacunaire de ce que pouvaient être les peuplements d'origine (Gonseth et al. 2019).

Néanmoins, et bien que cela ne soit pas directement documenté, on peut avancer que l'exploitation de la tourbe a eu un impact considérable sur les populations de libellules tyrphobiontes suite à la destruction et à l'assèchement des surfaces de hauts-marais et de marais de transition. Toutefois, il est possible qu'une exploitation dans un premier temps non mécanisée ait favorisé certaines espèces tyrphophiles et tyrphotolérantes. En effet, la création de creuses ou fossés d'exploitation, offrait des plans d'eau ouverts qui pouvaient ne pas être disponibles au sein des hauts-marais primaires (OFEFP 2002).

Malgré l'abandon de l'exploitation de la tourbe suite à l'acceptation de l'initiative de Rothenthurm en 1987, les tourbières ont continué de se dégrader jusqu'à la mise en place des premières mesures de revitalisation, entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. En effet, les divers systèmes de drainage datant de la fin de l'exploitation sont restés actifs et ont continué à assécher les corps de tourbe. De même, les creuses ont rapidement été colonisées par la végétation et se sont progressivement atterries (Klaus 2007). Ce phénomène explique sans doute la chute de diversité spécifique observée jusqu'à la période 1996–2004 (Fig. 3).

Les revitalisations entreprises depuis 1996 ont freiné voire stoppé localement l'assèchement des hauts-marais et ont permis d'aménager des habitats secondaires dont ont bénéficié les libellules. Ainsi, non moins de 100 nouveaux plans d'eau ont été créés, multipliant la surface totale par 7.5 (Fig. 4). Quatre marais ont été suivis sur l'ensemble des périodes considérées et les résultats obtenus en leur sein sont discutés en détail ci-après.

Figure 4. 

Evolution du nombre de plans d'eau et de leur surface sur les quatre périodes considérées.

Sous Martel Dernier (Bois des Lattes)

L'examen des anciennes orthophotos (Confédération suisse 2019; Geoportail SITN 2019) et le témoignage de naturalistes qui ont visité le site dans le passé (C. Dufour, comm. pers.) nous permettent d'affirmer que les milieux favorables aux odonates étaient très limités au Bois des Lattes avant les premières revitalisations. Seule une longue fosse inondée, déjà présente en 1934, a fait l'objet de l'essentiel des visites des odonatologues. Les habitats des tyrphobiontes comme Somatochlora arctica, a priori disponibles dans d'autres secteurs, n'ont vraisemblablement pas été visités par ces derniers. Entre 1996 et 2004 deux zones envahies de bouleaux ont été inondées par la construction de caissons en bois, sans toutefois offrir de plans d'eau libre. A partir de 2010, les revitalisations se sont succédées, offrant une importante diversité de milieux aquatiques, dont divers plans d'eau de profondeur et de stades d'atterrissement variés.

Avant 1996, les observations ne concernent que quelques espèces typiques des tourbières: Aeshna juncea, Coenagrion hastulatum, Leucorrhinia dubia, Somatochlora arctica et Sympetrum danae (Annexe I). Entre 1996 et 2004 aucun changement majeur n'est relevé. Entre 2005 et 2016, la liste d'espèces s'allonge avec notamment les apparitions d'Aeshna subarctica, Leucorrhinia pectoralis et Somatochlora flavomaculata, les deux dernières se reproduisant dès leur apparition sur le site. Dès 2017, les découvertes de Ceriagrion tenellum, Leucorrhinia albifrons et Sympetrum flaveolum portent la liste à 31 espèces (Tab. 4).

Table 4.

Nombre d'espèces par période pour les quatres marais les plus suivis.

Marais Nombre d'espèces
No Objet Nom Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018 Total
15.1 Sous Martel Dernier 15 14 22 31 35
15.5B Marais de Brot NA 17 20 28 30
16.2 Bas-du-Cerneux 22 11 29 21 35
18 Rond Buisson 5 2 27 15 29

Marais de Brot

Toutes les observations disponibles pour ce site sont postérieures à 1996 ce qui n'est pas foncièrement étonnant puisqu'aucun plan d'eau n'est visible sur les photos aériennes des années 1960. Dès les années 80, quelques fosses de tourbage ont été creusées alors qu'une partie du site a été utilisée comme décharge (Matthey et Lugon 1999). Entre 1997 et 1998, la décharge a été assainie et une vingtaine de plans d'eau créés. Depuis 2011, la plupart d'entre eux ont été curés en rotation afin de diversifier les niveaux d'atterrissement.

Les inventaires réalisés au cours des années 1990 (Bieri 1998) documentent la présence de quatre espèces affiliées aux tourbières (A. juncea, C. hastulatum, L. dubia et S. danae) et de nombreuses espèces liées aux plans d'eau mésotrophes à eutrophes (Annexe II). Sympetrum flaveolum ne sera observé qu'en 1999. Entre 2005 et 2016 la liste s'allonge avec la découverte de S. arctica dans une gouille creusée dans la dernière bande de haut-marais non exploité et la rapide colonisation du site par L. pectoralis. Depuis 2017, 28 espèces ont été observées parmi lesquelles quelques nouvelles espèces pionnières et thermophiles.

Bas-du-Cerneux (Cachot)

La tourbière du Bas-du-Cerneux n'a quasiment plus été exploitée depuis les années 1960. A cette période, elle présentait quelques fossés et mares, indices de l'ancienne exploitation, ainsi qu'une partie centrale encore relativement préservée avec un complexe typique de buttes de sphaignes et de gouilles. Les travaux de revitalisation entrepris dès 2004 visaient d'une part à curer certaines creuses atterries et d'autre part à construire une palissade dans le fossé principal dans le but de limiter l'assèchement de la tourbière. La restauration de cet ouvrage en 2014 a permis d'augmenter la superficie totale des plans d'eau du marais. De nombreux drains ont en outre été comblés en 2017 et quelques gouilles du haut-marais central ont également été recreusées.

La faune du Bas-du-Cerneux est bien connue depuis les relevés de Matthey (1971) et von Ballmoos (1989). Vingt-deux espèces y ont été recensées jusqu'à 1996 avec d'importantes populations de S. arctica, Lestes dryas et S. flaveolum (Tab. 4, III). Entre 1996 et 2004, seules 11 espèces ont été signalées malgré des recherches ciblées. S. flaveolum s’y est reproduit jusqu’en 2001 alors que L. dryas semble avoir disparu bien avant (dernière observation en 1988). Entre 2005 et 2016 un suivi bisannuel est entrepris par le SFFN de même qu'un comptage d'exuvies de S. arctica dans les gouilles centrales (Matthey et al. 2016). Vingt-neuf espèces ont été observées sur la période, dont divers erratiques. L. pectoralis s'y établit en 2010 et les espèces tyrphophiles y sont relativement abondantes. Les populations de S. arctica déclinent en raison de l'atterrissement des gouilles centrales (Matthey 1998; Matthey et al. 2016) et des sécheresses estivales récurrentes. Enfin, le suivi de 2017–2018 confirme le déclin de S. arctica dans les gouilles centrales avec seulement 2 exuvies observées, l'espèce survivant toutefois dans les creuses abondamment colonisées par les sphaignes en bordure de tourbière. L. pectoralis est abondante dans le fossé principal où Ceriagrion tenellum y a également été découvert.

Rond Buisson

Dans la première partie du XXe siècle, cet objet était intensément exploité et très peu boisé. Après la seconde guerre mondiale et l'arrêt de l'exploitation systématique des tourbières, le milieu s'est rapidement boisé et continue encore aujourd'hui de se refermer. Entre 2005 et 2016, une quinzaine de creuses ont été curées et deux plans d'eaux ont été créés.

Dufour (1978) réalise les premières observations sur le site et engrange l'unique donnée neuchâteloise de L. pectoralis avant 2008. L. dubia était également présente, alors que C. hastulatum ne sera cité que bien plus tard (IV). Un suivi bisannuel est aussi mis en place dans ce site dès 2005. La nature de son peuplement de libellules ne se précise qu'à partir de cette période. La proximité du Lac des Taillères a toujours favorisé l'intrusion d'espèces exogènes aux hauts-marais, avec notamment une observation d'Epitheca bimaculata en 1982. Le suivi 2017 permet d'établir une liste de 15 espèces potentiellement reproductrices; L. pectoralis, redécouverte en 2013, et les autres espèces de tourbières sont bien présentes (A. juncea, C. hastulatum, L. dubia et S. danae). S. arctica et S. flavomaculata se reproduisent toutes deux dans d'anciennes creuses, la première préférant celles davantage colonisées par les sphaignes.

Découvertes récentes et principaux résultats du suivi 2017–2018

Les inventaires effectués entre 2017 et 2018 ont permis la découverte de plusieurs espèces remarquables à l'échelle du canton de Neuchâtel, du Jura suisse et voire même de la Suisse.

Aeshna subarctica Walker, 1908

Cette tyrphobionte stricte liée presque exclusivement à des habitats primaires est distribuée en Suisse principalement au nord des Alpes (BE, LU, NW, OW). Sa découverte dans le Jura suisse (Vallée de Joux) est récente (Vaucher-von Ballmoos 1993), alors qu'elle était connue dans la région de Frasne en Franche-Comté depuis 1985 (CBNFC-ORI 2019).

La première observation neuchâteloise d'A. subarctica a été réalisée en 2013 au Bois des Lattes par Samuel Ehrenbold (Info Fauna 2019). Cette observation est restée sans suite jusqu'à la capture et au marquage de cinq mâles matures en 2018 (Fig. 5). Ces individus, observés entre le 19 juillet et le 23 août, défendaient des territoires sur une large fosse remise en eau l'automne précédent (Fig. 6). Leur origine est une énigme: ils proviennent soit directement de la population de Frasne distante de 45 km, soit d'une population du Bois des Lattes fruit d'une précédente immigration passée jusque-là inaperçue. Quoi qu'il en soit, une telle série de contacts laisse présager son implantation sur le site.

Figure 5. 

Aeshna subarctica mâle marqué au Bois des Lattes. Photo: Sébastien Tschanz-Godio, 16 août 2018.

Figure 6. 

Habitat de Aeshna subarctica aux Ponts-de-Martel. Photo: Laurent Juillerat, 6 août 2018.

Ceriagrion tenellum (De Villers, 1789)

En Suisse, cette espèce est aujourd'hui principalement associée aux prairies à marisque et aux marais de pente calcaires de basse altitude (Gander et Maibach 2014). Elle avait pourtant été signalée à la Vallée de Joux à la fin du XIXe siècle (Mory 1899). Elle n'y a plus été mentionnée par la suite, la pression d'observation étant restée faible dans cette région.

Deux mâles isolés ont été observés en 2017 au Bois des Lattes (Fig. 7) et au Bas-du-Cerneux posés dans la végétation au bord de fossés en eau. Une observation similaire avait été réalisée en 2010 au Marais Rouge.

Figure 7. 

Ceriagrion tenellum mâle découvert au Bas-du-Cerneux. Photo: Sébastien Tschanz-Godio, 7 août 2017.

Au nord de son aire de distribution (Angleterre, Belgique, Pays-Bas), C. tenellum s'installe principalement dans des gouilles de hauts-marais acides, comme c'est également le cas en Franche-Comté (Dehondt et al. 2010; F. Mora, comm. pers.). Dans le sud, elle privilégie plutôt les eaux courantes. Les habitats larvaires ont en commun une végétation dense et une faible profondeur d'eau, ce qui permet un réchauffement rapide en été et limite la prédation (Kalkman et Šalamun 2015).

L’exploitation croissante des hauts-marais dans le courant du XXe siècle a privé C. tenellum des habitats colonisés par le passé dans le Jura suisse. La revitalisation des tourbières lui offre de nouvelles possibilités de développement. L'avenir dira si les individus isolés observés à ce jour étaient l'indice d'une réelle recolonisation des tourbières jurassiennes.

Lestes dryas Kirby, 1890

Cette espèce est essentiellement liée aux plans d'eau temporaires ou présentant une forte fluctuation de niveau d'eau (Monnerat 2005). Très rare sur l'Arc jurassien, elle était présente dans la tourbière du Bas-du-Cerneux, unique station connue du Canton de Neuchâtel (Dufour 1978; von Ballmoos 1989). Elle n'a plus été observée depuis 1988 malgré de nombreuses recherches ciblées sur les gouilles du Rhynchosporion où elle se reproduisait. L. dryas a fortement souffert de l'exploitation et du drainage des marais qui ont modifié le régime de fluctuation de niveau d'eau en tourbière (Monnerat et Maibach 2014). Au Bas-du-Cerneux, les gouilles qu'elle colonisait ont fortement diminué tant en surface qu'en nombre (Matthey 1998). De récents tests de revitalisation de gouilles se sont montrés favorables tant pour la flore que pour les libellules (Juillerat 2019). La généralisation de telles mesures lors de travaux de revitalisation devrait permettre d'augmenter les surfaces d'habitats favorables à l'espèce. Un retour récent a été constaté dans une tourbière fraîchement revitalisée du canton de Vaud (A. Maibach, comm. pers.), laissant espérer une issue similaire dans le canton de Neuchâtel.

Leucorrhinia pectoralis (Charpentier, 1825)

Cette tyrphophile, très sensible à la structure de la végétation des plans d'eau qu'elle colonise, a subi un important déclin sur l'ensemble du territoire suisse (Wildermuth 1992, 2013). Elle n'avait été observée qu'à une seule reprise dans le canton de Neuchâtel (trois mâles en 1974 in Dufour 1978). Redécouverte dans une tourbière de la Brévine en 2008 par Nadia Vuilleumier et Sandro Marcacci (Info Fauna 2019), L. pectoralis a rapidement colonisé la plupart des hauts-marais de notre zone d'étude au fur et à mesure de leur revitalisation (Fig. 8), de toute évidence en provenance des réservoirs disponibles en Franche-Comté voisine. Les suivis effectués dans le Bassin du Drugeon ont notamment enregistré des populations record en 2009 (Claude et al. 2016), conditions idéales pour une émigration. Dans le même temps, soit entre 2008 et 2010, son retour a également été constaté dans les cantons du Jura et de Berne. Plus récemment, elle a été découverte sur un marais revitalisé du Jura vaudois en 2018 (A. Maibach, comm. pers.). L'important afflux noté en Europe centrale en 2012 sur un large front, du Bade-Wurtemberg à la Hollande (Goffart et al. 2012; Lorthiois et al. 2012; Ott 2012; Schiel et Hunger 2012) est postérieur à l'établissement des populations dans la région d'étude et dans les régions voisines et ne peut être à l'origine du retour de l'espèce. Par ailleurs, les données disponibles pour la Suisse (Info Fauna 2019) ne permettent pas de documenter un afflux marqué en 2012. La provenance des individus observés dans quelques nouvelles localités cette année-là ne peut ainsi pas être établie.

Le retour de Leucorrhinia pectoralis est directement lié aux multiples revitalisations réalisées dans les hauts-marais neuchâtelois au cours des 20 dernières années. Certaines mesures semblent particulièrement favorables, comme l'inondation d'anciennes fosses par la construction de palissades. Lorsque des ceintures de grandes laîches et des buissons sont déjà présents, la colonisation peut être très rapide. Au Bois des Lattes par ex., plusieurs mâles défendaient des territoires en juin 2017 sur un fossé remis en eau l'automne précédent (Fig. 9). Des émergences y ont été observées en 2018, prouvant le développement de l'espèce sur une seule année à plus de 1000 m d'altitude.

Figure 8. 

Leucorrhinia pectoralis à l'émergence au Bas du Cerneux. Photo: Sébastien Tschanz-Godio, 16 mai 2017.

Figure 9. 

Habitat de Leucorrhinia pectoralis au Bois des Lattes colonisé quelques mois après sa remise en eau. Photo: Laurent Juillerat, 16 août 2017.

Leucorrhinia albifrons (Burmeister, 1839)

La découverte de L. albifrons en mai 2017 fut l'une des plus grandes surprises de ce suivi. Cinq exuvies ont été trouvées suite à la capture d'un mâle ténéral dans la ceinture de végétation d'un étang aux Ponts-de-Martel. Une vingtaine d'observations ont été réalisées cette année-là sur le même plan d'eau, avec un total de 13 exuvies (Fig. 10). Un unique individu a également été brièvement observé dans un autre marais de la même vallée. En 2018, les recherches ciblées ont permis la collecte de 122 exuvies entre le 25 mai et le 10 juillet et des observations d'individus matures entre les 2 juin et 27 juillet, avec un maximum de 10 mâles. Aucune ponte n'a toutefois été observée alors que plusieurs accouplements ont eu lieu sur le site.

Figure 10. 

Leucorrhinia albifrons mâle aux Ponts-de-Martel. Photo: Sébastien Tschanz-Godio, 11 juin 2017.

Cette espèce, l'une des plus rares d'Europe (Sahlen et Kalkman 2015), est au bord de l'extinction en Suisse (Info Fauna 2019). Sa découverte dans la Vallée des Ponts-de-Martel en fait la quatrième population de Suisse. Une mention de 1898 à la Vallée de Joux (McLachlan 1899) témoigne du potentiel de l'espèce dans l'Arc jurassien à plus de 1000 m d'altitude.

La Leucorrhine à front blanc était très discrète sur son site de reproduction en début de saison. Elle a essentiellement été observée se posant sur du bois mort au sol et dans les arbres en périphérie. Par la suite, les mâles territoriaux étaient posés sur les ceintures de Carex rostrata bordant le plan d'eau. Le plan d'eau de reproduction est caractérisé par des anses peu profondes qui présentent d'importantes surfaces de tourbe nue, des herbiers immergés d'Utricularia australis et des tapis de bryophytes (Warnstorfia exannulata). Ces caractéristiques permettent aux eaux de se réchauffer rapidement et offrent des cachettes pour les larves.

L'observation d'émergences deux années consécutives alors que la durée de développement larvaire théorique est de deux ans (Wildermuth et Martens 2019: 625) implique que l'espèce serait arrivée dans la Vallée des Ponts-de-Martel à deux reprises, au plus tard en 2015. Néanmoins, à l'instar de L. pectoralis, il est probable que l'espèce réussisse à boucler son cycle en une année. L. albifrons pourrait alors être arrivée en 2016 seulement. Il est probable que la population d'origine soit celle de la région de Frasne en Franche-Comté voisine, à une cinquantaine de kilomètres des Ponts-de-Martel. Une petite population également découverte en 2017 à Vuillecin (à 30 km des Ponts-de-Martel, F. Mora, comm. pers.) pourrait concerner le même mouvement de populations.

Orthetrum coerulescens (Fabricius, 1798)

Huit observations, concernant une femelle et plusieurs mâles territoriaux, ont été réalisées entre le 20 juin et le 16 août 2018 dans la tourbière du Bois des Lattes et, plus particulièrement, dans des milieux de reproduction de Somatochlora arctica (anciens drains colmatés, fosses remises en eau riches en sphaignes). Certains individus sont restés plusieurs jours au même endroit, mais aucun indice de reproduction n'a pu être observé.

Même si les observations de cette espèce sont régulières dans les tourbières neuchâteloises, aucune preuve de reproduction n'a jamais été rapportée dans le canton. La microstructure du milieu correspond grosso modo à celle des marais de pente colonisés du Jura et du Jura bernois (Juillerat 2002). La principale différence réside dans le fait que dans la tourbière les eaux sont stagnantes, donc a priori peu oxygénées. Des populations ont déjà été signalées dans les tourbières notamment en Allemagne dans des gouilles de marais de transition (Sternberg et Buchwald 2000) et en Belgique sur des écoulements (Parkinson 2010; Dufrêne et al. 2011; Kever et al. 2014). Nous considérons pour l'instant les individus observés comme des immigrants en provenance d'une population neuchâteloise inconnue ou de populations du Plateau suisse, du Bassin du Drugeon ou des marais de pente des cantons voisins. La période d'apparition correspond à celle des émigrations mises en évidence dans le Jura et le Jura bernois (Juillerat 2002).

Somatochlora arctica (Zetterstedt, 1840)

Cette espèce emblématique des hauts-marais et des marais de transition (Wildermuth 2013) a subi un important déclin à la Tourbière du Bas-du-Cerneux (Matthey et al. 2016). Cela nous a poussés à lancer un suivi ciblé sur cette espèce en 2018. Les résultats sont contrastés selon les hauts-marais. Au Bois des Lattes, la population est très importante avec 192 individus marqués et une estimation par capture-marquage-recapture à près de 600 mâles (Fig. 11). Les principaux sites d'émergence sont d'anciennes fosses remises en eau entre 1996 et 2004. L’espèce est par contre très rare dans les autres sites connus. Notre étude a également mis en évidence le déplacement d'un mâle d'une vallée à l'autre. L'individu marqué au Bois des Lattes a été retrouvé 30 jours plus tard à la tourbière du Bas-du-Cerneux, à 4.7 km de distance.

Figure 11. 

Somatochlora arctica mâle marqué au Bois des Lattes. Photo: Sébastien Tschanz-Godio, 27 juin 2018.

Sympetrum flaveolum (Linnaeus, 1758)

Ce sympétrum est connu pour subir d'importantes fluctuations d'effectifs en Europe de l'Ouest du fait de vagues d'immigration en provenance d'Europe de l'Est suivies d'installations de populations temporaires (Kalkman et Kulijer 2015). En Suisse, les observations se sont fortement raréfiées après 2009 au point que l'espèce a quasi disparu du pays (Info Fauna 2019). Ainsi l'Arc jurassien, bastion de l'espèce en Suisse, ne comptait plus qu'un site de reproduction connu en 2017. L'observation d'une femelle en maturation le 11 juillet 2018 dans une clairière du Bois des Lattes fut une réelle surprise (Fig. 12). Des recherches ciblées ont ensuite permis d'observer jusqu'à deux mâles simultanément sur un étang en voie d'assèchement en marge de la tourbière entre les 12 juillet et 16 août. A l'exception de la territorialité des mâles, aucun comportement de reproduction n'a pu être observé. Un plan d'action est en cours de planification.

Figure 12. 

Sympetrum flaveolum femelle immature découverte au Bois des Lattes. Photo: Laurent Juillerat, 11 juillet 2018.

Effets du réchauffement climatique

A partir de 2005 plusieurs espèces typiques de basse altitude (<800 m) ont été observées pour la première fois à plus de 1000 m dans les montagnes jurassiennes. Les observations peuvent s'expliquer d'une part par l'attractivité des nombreux plans d'eau créés lors des revitalisations et, d'autre part, par l'élévation des températures estivales ces dernières décennies. Pour le moment, nous considérons que les observations ponctuelles de Erythromma viridulum, Aeshna isoceles, A. mixta et Crocothemis erythraea sont liées à de l'erratisme. Par contre, le développement est très probable au Marais de Brot pour Sympecma fusca et possible pour Brachytron pratense au Bois des Lattes (une observation en 2015 et deux en 2018 sur le même plan d'eau à végétation favorable). À relever encore l'implantation de L. pectoralis entre 1000 et 1050 m dans deux vallées parmi les plus froides de Suisse. Cette espèce était encore récemment considérée comme confinée à moins de 600 m pour des raisons climatiques (Wildermuth 2005, 2013).

Cas similaires

Des mesures pour rétablir l'équilibre hydrique au sein des tourbières ont été menées dans de nombreux pays (p. ex. Elo et al. 2015). Elles ont souvent favorisé le retour plus ou moins net d'une flore et d'une faune spécifiques des tourbières. En Belgique, d'importantes campagnes de mesures ont notamment permis la création de nouveaux plans d'eau (Dufrêne et al. 2011; Kever et al. 2014). Cela s'est traduit, comme observé dans les tourbières neuchâteloises, par un renforcement des populations de certaines espèces tyrphophiles (Leucorrhinia dubia, Coenagrion hastulatum, Sympetrum danae ou Aeshna juncea). Pour les tyrphobiontes (Aeshna subarctica, Somatochlora arctica et Leucorrhinia rubicunda) la réponse est plus différenciée et jamais aussi marquée que pour les précédentes. De manière générale leurs populations n'évoluent pas ou que peu, voire continuent de décliner jusqu'à parfois disparaître, tant que des habitats suffisamment matures ne sont pas disponibles, (p. ex. A. subarctica, Parkinson 2010). Enfin, un grand nombre d'espèces nouvelles apparaissent avec la création des divers types de plans d'eau, conséquences des mesures de revitalisation. Parmi les plus rares figurent Leucorrhinia pectoralis, Ischnura pumilio et parfois Lestes dryas (Parkinson 2010; Dufrêne et al. 2011; Kever et al. 2014; Wildermuth 2008, 2016).

On voit donc le bénéfice que représente la revitalisation de tourbières pour les populations d'odonates tyrphophiles. Ces milieux secondaires augmentent en outre substantiellement l'offre en habitats favorables pour une grande diversité de libellules. Enfin ces études, tout comme la nôtre, soulignent la nécessité de réagir rapidement, soit avant que les espèces les plus sensibles et les plus emblématiques des tourbières ne disparaissent.

Conclusions et perspectives

Les revitalisations entreprises dans les tourbières du Jura neuchâtelois depuis 2005, par leur ampleur, par leur diversité et par leur continuité temporelle, ont permis le retour de la quasi totalité des espèces tyrphophiles et tyrphobiontes connues de l'Arc jurassien. Ainsi, plusieurs espèces parmi les plus rares et les plus menacées de Suisse sont récemment réapparues: Leucorrhinia pectoralis en 2008, Ceriagrion tenellum en 2010, Aeshna subarctica en 2013 et Leucorrhinia albifrons en 2017. Certaines ont déjà recolonisé la quasi totalité des marais revitalisés, tandis que pour d'autres les observations restent ponctuelles et leur implantation à confirmer.

Les nombreuses revitalisations planifiées dans les marais de la région pour les cinq prochaines années permettent d'envisager la poursuite de cette dynamique positive. D'autres espèces pourraient ainsi y trouver des habitats favorables. Leucorrhinia rubicunda, bien que présente en faibles effectifs dans le sud de l'Allemagne (Haacks et Mauersberger 2015), pourrait par ex. s'installer au Bois des Lattes. Une observation de 2018 au Katzensee (de Rolf Hangartner (Info Fauna 2019)) démontre en effet que la Suisse est encore dans le rayon de dispersion de l'espèce. L'apparition d'autres espèces actuellement absentes de la chaîne jurassienne est moins probable, telle celle de Somatochlora alpestris (Vosges) et d’Aeshna caerulea (Schwarzwald), toutes deux en danger critique d'extinction dans leur région respective ou celle de Lestes dryas et de Nehalennia speciosa dont les capacités de dispersion semblent limitées en regard des distances à parcourir (respectivement 24 et 18 km en ligne directe).

Le maintien de cette diversité retrouvée est toutefois tributaire de l'application régulière de mesures d'entretien. Selon leur surface, l'atterrissement naturel conduit immanquablement à la fermeture plus ou moins rapide des milieux aquatiques. Les suivis effectués à la tourbière de Rond Buisson ont montré qu'après quelques années sans entretien, les milieux perdent leur attractivité pour les odonates. Il est ainsi indispensable de s'inspirer des expériences zurichoises (Wildermuth 2001, 2008, 2016) et de planifier la régénération périodique par rotation des habitats concernés.

A plus large échelle, les populations reconstituées dans le Jura neuchâtelois améliorent la connectivité des populations de tout l'Arc jurassien et pourront notamment servir de réservoir pour la recolonisation des tourbières des Franches-Montagnes en cours de revitalisation. Comme cela a déjà été démontré (Keller et al. 2010 par ex.), la prise de mesures de revitalisation dans des sites suffisamment proches favorise l'expansion des espèces de libellules et ainsi la reconstitution et le maintien de populations viables à long terme. Nous ne pouvons donc que recommander leur généralisation sur l'ensemble du territoire suisse.

Remerciements

Nous tenons à remercier le Service de la Faune, des Forêts et de la Nature pour le financement des travaux de terrain et de la rédaction de cet article, de même que les stagiaires qui ont participé aux suivis odonatologiques dans les tourbières neuchâteloises: Lucie Barbier, Maxime Chèvre, Marc Schubert, Marceau Minot et Stefan Gomes. Nous exprimons également notre gratitude à Yves Gonseth pour sa relecture du manuscrit, à Niklaus Müller pour la détermination de bryophytes, ainsi qu'à Jessica Litman pour la traduction du résumé.

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  • Wildermuth H, Martens A (2019) Die Libellen Europas, Alle Libellen von den Azoren bis zum Ural im Porträt. Quelle & Meyer Verlag, Wiebelsheim, 958 pp.

Annexe I

Espèces présentes à Sous Martel Dernier (15.1) par pé­riode, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.

Sous Martel Dernier
Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018
Surface en eau (m²) 4'519 21'693 32'182 47'882
Nombre de plans d’eau 55 57 96 102
Espèces
Aeshna cyanea X X X X
Aeshna grandis X
Aeschna isoceles X X
Aeshna juncea X X X X
Aeshna mixta
Aeshna subarctica X X
Anax imperator X X X
Brachytron pratense X
Calopteryx splendens X X X
Calopteryx virgo X
Ceriagrion tenellum X
Chalcolestes viridis X X
Coenagrion hastulatum X X X X
Coenagrion puella X X X X
Cordulia aenea X X X
Enallagma cyathigerum X X X
Erythromma viridulum X
Ischnura elegans X X
Ischnura pumilio X X
Lestes sponsa X X X X
Leucorrhinia albifrons X
Leucorrhinia dubia X X X X
Leucorrhinia pectoralis X X
Libellula depressa X X X X
Libellula quadrimaculata X X X X
Orthetrum cancellatum X
Orthetrum coerulescens X
Pyrrhosoma nymphula X X X X
Somatochlora arctica X X X
Somatochlora flavomaculata X X
Sympetrum danae X X X X
Sympetrum flaveolum X
Sympetrum fonscolombii X
Sympetrum vulgatum X X
Sympetrum sanguineum X
Total: 35 15 14 22 31

Annexe II

Espèces présentes au Marais de Brot (15.5B) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.

Marais de Brot
Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018
Surface en eau (m²) NA 630 2955 3733
Nombre de plans d’eau NA 20 23 25
Espèces
Aeshna cyanea X X X
Aeshna grandis X X X
Aeshna juncea X X X
Aeshna mixta X
Anax imperator X X X
Calopteryx splendens X
Calopteryx virgo X
Coenagrion hastulatum X X X
Coenagrion puella X X X
Cordulia aenea X X X
Crocothemis erythraea X
Enallagma cyathigerum X X X
Ischnura elegans X
Lestes sponsa X X X
Leucorrhinia dubia X X X
Leucorrhinia pectoralis X X
Libellula depressa X X X
Libellula quadrimaculata X X X
Orthetrum cancellatum X
Orthetrum coerulescens X
Pyrrhosoma nymphula X X X
Somatochlora arctica X X
Somatochlora flavomaculata X X
Sympecma fusca X
Sympetrum danae X X X
Sympetrum flaveolum X
Sympetrum fonscolombii X X
Sympetrum sanguineum X X
Sympetrum striolatum X X
Sympetrum vulgatum X X
Total: 30 NA 17 20 28

Annexe III

Espèces présentes au Bas-du-Cerneux (16.2) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.

Bas-du-Cerneux
Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018
Surface en eau (m2) 2'002 14'605 14'882 14'882
Nombre de plans d’eau 25 38 40 40
Espèce
Aeshna cyanea X X X X
Aeshna grandis X X X
Aeshna juncea X X X X
Anax imperator X X
Calopteryx splendens X X
Calopteryx virgo X X
Ceriagrion tenellum X
Chalcolestes viridis X
Coenagrion hastulatum X X X X
Coenagrion puella X X X X
Coenagrion pulchellum X
Cordulegaster bidentata X
Cordulegaster boltonii X
Cordulia aenea X X X
Crocothemis erythraea X
Ischnura elegans X X
Ischnura pumilio X
Lestes dryas X
Lestes sponsa X X X X
Leucorrhinia dubia X X X X
Leucorrhinia pectoralis X X
Libellula depressa X X X
Libellula quadrimaculata X X X X
Onychogomphus forcipatus X
Orthetrum cancellatum X X
Orthetrum coerulescens X X
Pyrrhosoma nymphula X X X
Somatochlora arctica X X X X
Somatochlora flavomaculata X X
Somatochlora metallica X
Sympetrum danae X X X X
Sympetrum flaveolum X X
Sympetrum sanguineum X X X
Sympetrum striolatum X
Sympetrum vulgatum X X X
Total: 35 22 11 29 21

Annexe IV

Espèces présentes à Rond Buisson (18) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.

Rond Buisson
Avant 1996 1996–2004 2005–2016 2017–2018
Surface en eau (m2) 853 853 3'304 3'304
Nombre de plans d’eau 45 45 47 47
Espèce
Aeshna cyanea X X X
Aeshna grandis X X
Aeshna juncea X X
Anax imperator X
Calopteryx splendens X
Calopteryx virgo X
Chalcolestes viridis X
Coenagrion hastulatum X X X
Coenagrion puella X X X
Coenagrion pulchellum X
Cordulia aenea X
Epitheca bimaculata X
Erythromma najas X
Gomphus vulgatissimus X
Ischnura elegans X
Lestes sponsa X X
Leucorrhinia dubia X X X
Leucorrhinia pectoralis X X X
Libellula depressa X
Libellula quadrimaculata X X
Orthetrum cancellatum X X
Pyrrhosoma nymphula X X
Somatochlora arctica X X
Somatochlora flavomaculata X X
Somatochlora metallica X
Sympecma fusca X
Sympetrum danae X X
Sympetrum sanguineum X
Sympetrum vulgatum X X
Total: 29 5 2 27 15
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