Research Article |
Corresponding author: Laurent Juillerat ( juillerat.l@bluewin.ch ) Academic editor: Thibault Lachat
© 2020 Arnaud Vallat, Christian Monnerat, Sébastien Tschanz-Godio, Laurent Juillerat.
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Citation:
Vallat A, Monnerat C, Tschanz-Godio S, Juillerat L (2020) Rétablissement des communautés de libellules (Odonata) dans les tourbières du Jura neuchâtelois (Suisse). Alpine Entomology 4: 99-116. https://doi.org/10.3897/alpento.4.36290
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Les tourbières des Vallées de la Brévine et des Ponts-de-Martel ont perdu plus de 90% de leur surface au 20e siècle suite à l'exploitation industrielle de la tourbe. Les travaux de revitalisation entrepris entre 1996 et 2018 ont permis d'y augmenter le nombre de plans d'eau de 240 à 341, leur surface passant de 1.3 à 10.1 hectares. Dès 2005, les odonates ont fait l'objet de suivis réguliers dans plusieurs marais. En 2017 et 2018, un suivi exhaustif a permis de recenser 38 espèces. L'ensemble des données récoltées entre 1938 et 2018 concerne ainsi 52 espèces, soit plus des 2/3 de la faune de Suisse. Parmi elles, neuf figurent sur la Liste Rouge nationale. Les espèces inféodées aux hauts-marais profitent des mesures de revitalisation et voient leur nombre augmenter depuis 2005. Leucorrhinia pectoralis s'est ainsi implantée de manière spectaculaire dans 12 hauts-marais sur 15, alors que L. albifrons, l'une des libellules les plus rares de Suisse, se reproduit dans une tourbière ayant fait l'objet d'importantes revitalisations. De même, les découvertes d'Aeshna subarctica et de Ceriagrion tenellum laissent présager leur implantation dans la région d'étude. Fort de ce bilan positif, le canton de Neuchâtel prévoit de poursuivre son programme de revitalisations au moins pour les cinq prochaines années. Parallèlement, seule une gestion coordonnée des différents marais visant à garantir une offre variée en habitats permettra le maintien des espèces les plus exigeantes.
Restoration of dragonfly communities (Odonata) in the peatlands of the Jura Mountains of Neuchâtel (Switzerland).
Over the course of the 20th century, the peatlands of the valleys of La Brévine and Les Ponts-de-Martel lost over 90% of their surface area due to the industrial exploitation of peat. Restoration work undertaken between 1996 and 2018 increased the number of bodies of water in these areas from 240 to 341 and their surface area from 1.3 to 10.1 hectares. Odonates have been regularly monitored in several of these wetland areas since 2005. In 2017 and 2018, an intensive monitoring program identified 38 species. Observations made between 1938 and 2018 included a total of 52 species, or over two-thirds of Swiss Odonata fauna. Nine of these species are found on the national Red List. Species strictly associated with peatlands benefitted from restoration measures; their numbers have increased since 2005. Leucorrhinia pectoralis is now established in twelve peatlands out of fifteen and L. albifrons, one of the rarest dragonflies in Switzerland, currently reproduces in a peatland that was the subject of intensive restoration. Discoveries of Aeshna subarctica and Ceriagrion tenellum may hint at future colonization of this region by these species. Given such positive results, the canton of Neuchâtel will continue its restoration program for at least the next five years. Only the coordinated management of diverse types of wetland habitats will allow for the survival of the most demanding species.
Odonata, peat bog, regeneration, revitalisation, Jura, Neuchâtel, red list species
Les tourbières constituent des écosystèmes relictes liés aux biomes subarctiques. Elles abritent une communauté d'espèces de libellules hautement spécialisées, adaptées aux eaux acides et pauvres en nutriments qui les caractérisent (Spitzer et Danks 2006). Principalement distribuées dans des régions bien arrosées et fraîches, elles font partie des milieux les plus menacés de Suisse (
Les tourbières du Jura neuchâtelois sont essentiellement localisées dans les vallées de la Brévine et des Ponts-de-Martel. Les premiers indices de d'exploitation dans ces régions remontent à 1505 (
L'initiative de Rothenthurm, acceptée par le peuple suisse en 1987, a stoppé l'exploitation et ancré la protection des marais dans la loi. En conséquence, la Confédération a lancé les inventaires fédéraux des hauts- et bas-marais et incité les cantons à la définition puis à l'application de plans de gestion. Les premiers essais de revitalisation des marais ont démarré dès 1996 dans la Vallée des Ponts-de-Martel (Matthey et Lugon 1999), puis dès 2005 dans la Vallée de la Brévine.
Les hauts-marais ont par ailleurs suscité l’intérêt de nombreux naturalistes de la région qui ont visité ces habitats particuliers à la découverte d'une flore et d'une faune uniques. Les premières observations d'odonates ont été effectuées ponctuellement à partir des années 1930 (
Des suivis d'efficacité ont été planifiés suite aux premières interventions de revitalisation. Ainsi, le Canton de Neuchâtel, par le Service de la Faune, des Forêts et de la Nature (SFFN), a effectué depuis 2005 plusieurs études visant à évaluer l'effet des revitalisations des tourbières sur les communautés de libellules. Ces insectes constituent un indicateur adapté du fait de leur réponse rapide aux changements hydrologiques et des exigences particulières de certaines espèces. De plus, le très bon niveau de connaissances à leur sujet et leur identification rapide sur le terrain en font un groupe fiable et facile à utiliser pour des suivis à long terme (Chovanec et Waringer 2001;
Ses objectifs sont les suivants:
Notre zone d'étude est constituée de deux sites marécageux de l'Inventaire des sites marécageux d'une beauté particulière et d'importance nationale (
Objets de l'inventaire fédéral des hauts-marais et marais de transition d'importance nationale inventoriés.
No objet | Nom | Vallée | Coordonnées centrales | Surface [ha] | Nombre de plans d'eau (suivi 2017) |
---|---|---|---|---|---|
15.1 | Sous Martel Dernier | Ponts-de-Martel | 544658 / 202941 | 128.4 | 11 |
15.2 | Sous la Roche Berthoud | Ponts-de-Martel | 543588 / 202835 | 29.2 | 2 |
15.3 | Marais Rouge Ouest | Ponts-de-Martel | 546792 / 205038 | 27.4 | 2 |
15.4 | Sur les Bieds | Ponts-de-Martel | 545741 / 203900 | 11.4 | 8 |
15.5B | Marais de Brot | Ponts-de-Martel | 547052 / 203417 | 10.7 | 20 |
15.5H | Marais Haldimann | Ponts-de-Martel | 546143 / 203578 | 4.1 | 4 |
15.6E | Marais Rouge Est | Ponts-de-Martel | 547021 / 205879 | 7.5 | 9 |
15.6ES | Marais Rouge Est-Sud | Ponts-de-Martel | 547522 / 205706 | 4.6 | 4 |
13 | Maix Rochat | Brévine | 539789 / 205394 | 13.5 | 1 |
16.1 | Saignes Jeanne | Brévine | 541873 / 206668 | 7.9 | 17 |
16.2 | Bas-du-Cerneux | Brévine | 541218 / 206326 | 9.6 | 16 |
16.4 | Bas-Belin | Brévine | 540553 / 206150 | 8.6 | 9 |
17.1 | La Châtagne | Brévine | 538846 / 204653 | 3.1 | 2 |
17.2 | Combe de la Racine | Brévine | 538690 / 204249 | 8.9 | 6 |
18 | Rond Buisson | Brévine | 535233 / 202971 | 8.7 | 19 |
Une première campagne de terrain a été planifiée lors de la saison 2017. 130 plans d'eau ont été inventoriés à quatre reprises entre mai et août (Tab.
En 2018, des recherches complémentaires ont été conduites dans des milieux qui avaient échappé au premier inventaire, notamment les fosses de tourbage partiellement atterries (Rhynchosporion et Caricion lasiocarpae), avec Somatochlora arctica pour cible. En parallèle, nous avons suivi cette espèce par capture-marquage-recapture. Les estimations ont été réalisées grâce au programme Mark (White et Burnham 1999), selon la formulation POPAN du modèle Jolly-Seber (Arnason et Schwarz 1995) adapté aux populations ouvertes. Les paramètres retenus étaient phi(t)p(.)pent(t)N(.), à savoir une probabilité de survie variable dans le temps, une probabilité de capture constante et une probabilité d'entrée variable dans le temps.
Données faunistiques
Nous avons comparé les données collectées durant notre étude à celles réunies précédemment. Celles-ci proviennent des premiers suivis cantonaux et de la banque de données d'Info Fauna.
Quatre périodes ont été considérées:
Hétérogénéité des données
Lorsqu'on se penche en détail sur ces données de comparaison, on constate qu'elles ont été acquises selon des protocoles très différents, selon les sites et les périodes. Elles se composent de collectes ponctuelles issues de relevés de collections muséales, de suivis publiés pour deux des quatre sites (
Étant donné l'hétérogénéité des pressions d'observation selon les sites et les périodes, nous prenons le parti de considérer les espèces en présence/absence plutôt qu'en terme d'abondance.
Hétérogénéité des données et courbes d'accumulation selon les sites et les périodes. a) Sous Martel Dernier, b) Marais de Brot, c) Bas-du-Cerneux c) bis: détail des 1ère et 2e périodes, c) ter: détail des 3e et 4e périodes et d) Rond Buisson. Les années sont indiquées pour chaque première visite annuelle.
Offre en habitats
L'évolution quantitative de l'offre en milieux favorables aux libellules (nombre de plans d'eau, surfaces en eau) a été définie en compilant les anciennes orthophotos disponibles sur les serveurs cartographiques (
Statut reproducteur et classification écologique
Le statut reproducteur des espèces a été défini en se basant sur les travaux de
De même, l'affinité des espèces avec les milieux tourbeux a été classée de manière décroissante (
Chaque espèce observée a été attribuée à l'une ou l'autre de ces catégories.
Au total, 52 espèces ont été citées de notre zone d'étude depuis la première moitié du XXe siècle (Tab.
Espèces recensées sur les différentes périodes avec leur indice de reproduction (reproduction certaine ***, probable **, possible *, absence d'indice de reproduction -) et leur affinité aux tourbières.
LR 2019 | Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | Ecologie | |
---|---|---|---|---|---|---|
Aeshna subarctica | EN | * | * | Tyrphobionte | ||
Somatochlora arctica | VU | *** | ** | *** | *** | Tyrphobionte |
Aeshna juncea | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphophile |
Ceriagrion tenellum | EN | * | * | Tyrphophile | ||
Coenagrion hastulatum | VU | *** | *** | ** | *** | Tyrphophile |
Leucorrhinia dubia | NT | *** | *** | *** | *** | Tyrphophile |
Leucorrhinia pectoralis | EN | * | *** | *** | Tyrphophile | |
Sympetrum danae | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphophile |
Aeshna cyanea | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Aeshna grandis | LC | * | * | ** | ** | Tyrphotolérant |
Aeshna isoceles | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Aeshna mixta | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Anax imperator | LC | * | * | *** | *** | Tyrphotolérant |
Anax parthenope | LC | – | – | Tyrphotolérant | ||
Brachytron pratense | LC | – | – | Tyrphotolérant | ||
Chalcolestes viridis | LC | * | * | ** | Tyrphotolérant | |
Coenagrion puella | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Coenagrion pulchellum | NT | – | Tyrphotolérant | |||
Cordulia aenea | LC | *** | * | *** | *** | Tyrphotolérant |
Crocothemis erythraea | LC | – | – | Tyrphotolérant | ||
Enallagma cyathigerum | LC | * | ** | ** | ** | Tyrphotolérant |
Epitheca bimaculata | EN | – | Tyrphotolérant | |||
Erythromma najas | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Erythromma viridulum | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Ischnura elegans | LC | * | * | * | Tyrphotolérant | |
Ischnura pumilio | LC | * | * | Tyrphotolérant | ||
Lestes dryas | VU | * | Tyrphotolérant | |||
Lestes sponsa | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Leucorrhinia albifrons | CR | *** | Tyrphotolérant | |||
Libellula depressa | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Libellula quadrimaculata | LC | *** | *** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Orthetrum albistylum | NT | – | Tyrphotolérant | |||
Orthetrum brunneum | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Orthetrum cancellatum | LC | *** | *** | Tyrphotolérant | ||
Orthetrum coerulescens | LC | – | – | Tyrphotolérant | ||
Platycnemis pennipes | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Pyrrhosoma nymphula | LC | *** | ** | ** | *** | Tyrphotolérant |
Somatochlora flavomaculata | LC | * | ** | *** | Tyrphotolérant | |
Somatochlora metallica | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Sympecma fusca | LC | * | ** | Tyrphotolérant | ||
Sympetrum flaveolum | CR | * | *** | * | Tyrphotolérant | |
Sympetrum fonscolombii | NA | * | *** | Tyrphotolérant | ||
Sympetrum meridionale | LC | – | Tyrphotolérant | |||
Sympetrum sanguineum | LC | * | * | ** | Tyrphotolérant | |
Sympetrum striolatum | LC | * | * | ** | *** | Tyrphotolérant |
Sympetrum vulgatum | LC | *** | ** | *** | *** | Tyrphotolérant |
Calopteryx splendens | LC | – | – | – | – | Tyrphoxène |
Calopteryx virgo | LC | – | – | Tyrphoxène | ||
Cordulegaster bidentata | LC | – | Tyrphoxène | |||
Cordulegaster boltonii | LC | – | Tyrphoxène | |||
Gomphus vulgatissimus | LC | – | Tyrphoxène | |||
Onychogomphus forcipatus | LC | – | – | Tyrphoxène |
Nombre de marais avec au moins une observation pour chaque espèce et par période.
Espèces | Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 |
---|---|---|---|---|
Aeshna cyanea | 4 | 4 | 10 | 15 |
Aeshna grandis | 3 | 1 | 7 | 7 |
Aeshna isoceles | 1 | |||
Aeshna juncea | 3 | 4 | 12 | 15 |
Aeshna mixta | 1 | |||
Aeshna subarctica | 1 | 1 | ||
Anax imperator | 2 | 1 | 9 | 10 |
Anax parthenope | 1 | 1 | ||
Brachytron pratense | 1 | 1 | ||
Calopteryx splendens | 3 | 1 | 6 | 7 |
Calopteryx virgo | 7 | 6 | ||
Ceriagrion tenellum | 1 | 2 | ||
Chalcolestes viridis | 1 | 4 | 2 | |
Coenagrion hastulatum | 4 | 5 | 10 | 14 |
Coenagrion puella | 4 | 5 | 10 | 15 |
Coenagrion pulchellum | 5 | |||
Cordulegaster bidentata | 1 | |||
Cordulegaster boltonii | 1 | |||
Cordulia aenea | 4 | 1 | 8 | 10 |
Crocothemis erythraea | 1 | 1 | ||
Enallagma cyathigerum | 1 | 3 | 6 | 4 |
Epitheca bimaculata | 1 | |||
Erythromma najas | 2 | |||
Erythromma viridulum | 1 | |||
Gomphus vulgatissimus | 1 | |||
Ischnura elegans | 1 | 5 | 3 | |
Ischnura pumilio | 1 | 3 | ||
Lestes dryas | 1 | |||
Lestes sponsa | 4 | 4 | 10 | 13 |
Leucorrhinia albifrons | 2 | |||
Leucorrhinia dubia | 5 | 3 | 10 | 14 |
Leucorrhinia pectoralis | 1 | 14 | 12 | |
Libellula depressa | 4 | 3 | 10 | 8 |
Libellula quadrimaculata | 3 | 4 | 11 | 14 |
Onychogomphus forcipatus | 2 | 1 | ||
Orthetrum albistylum | 1 | |||
Orthetrum brunneum | 1 | |||
Orthetrum cancellatum | 2 | 5 | ||
Orthetrum coerulescens | 2 | 3 | ||
Platycnemis pennipes | 1 | |||
Pyrrhosoma nymphula | 4 | 3 | 10 | 12 |
Somatochlora arctica | 3 | 1 | 6 | 6 |
Somatochlora flavomaculata | 1 | 6 | 4 | |
Somatochlora metallica | 1 | |||
Sympecma fusca | 1 | 1 | ||
Sympetrum danae | 4 | 4 | 10 | 14 |
Sympetrum flaveolum | 1 | 2 | 1 | |
Sympetrum fonscolombii | 3 | 4 | ||
Sympetrum meridionale | 1 | |||
Sympetrum sanguineum | 2 | 1 | 5 | |
Sympetrum striolatum | 1 | 1 | 1 | 1 |
Sympetrum vulgatum | 3 | 3 | 5 | 2 |
Nombre d'espèces total | 27 | 20 | 45 | 38 |
L'exploitation et la dégradation des tourbières ont largement précédé les premiers relevés exhaustifs menés sur les libellules. Nous n'avons ainsi, sur la base des rares données anciennes disponible, qu'une idée lacunaire de ce que pouvaient être les peuplements d'origine (
Néanmoins, et bien que cela ne soit pas directement documenté, on peut avancer que l'exploitation de la tourbe a eu un impact considérable sur les populations de libellules tyrphobiontes suite à la destruction et à l'assèchement des surfaces de hauts-marais et de marais de transition. Toutefois, il est possible qu'une exploitation dans un premier temps non mécanisée ait favorisé certaines espèces tyrphophiles et tyrphotolérantes. En effet, la création de creuses ou fossés d'exploitation, offrait des plans d'eau ouverts qui pouvaient ne pas être disponibles au sein des hauts-marais primaires (
Malgré l'abandon de l'exploitation de la tourbe suite à l'acceptation de l'initiative de Rothenthurm en 1987, les tourbières ont continué de se dégrader jusqu'à la mise en place des premières mesures de revitalisation, entre la fin des années 1990 et le début des années 2000. En effet, les divers systèmes de drainage datant de la fin de l'exploitation sont restés actifs et ont continué à assécher les corps de tourbe. De même, les creuses ont rapidement été colonisées par la végétation et se sont progressivement atterries (
Les revitalisations entreprises depuis 1996 ont freiné voire stoppé localement l'assèchement des hauts-marais et ont permis d'aménager des habitats secondaires dont ont bénéficié les libellules. Ainsi, non moins de 100 nouveaux plans d'eau ont été créés, multipliant la surface totale par 7.5 (Fig.
Sous Martel Dernier (Bois des Lattes)
L'examen des anciennes orthophotos (
Avant 1996, les observations ne concernent que quelques espèces typiques des tourbières: Aeshna juncea, Coenagrion hastulatum, Leucorrhinia dubia, Somatochlora arctica et Sympetrum danae (Annexe
Marais | Nombre d'espèces | |||||
---|---|---|---|---|---|---|
No Objet | Nom | Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | Total |
15.1 | Sous Martel Dernier | 15 | 14 | 22 | 31 | 35 |
15.5B | Marais de Brot | NA | 17 | 20 | 28 | 30 |
16.2 | Bas-du-Cerneux | 22 | 11 | 29 | 21 | 35 |
18 | Rond Buisson | 5 | 2 | 27 | 15 | 29 |
Marais de Brot
Toutes les observations disponibles pour ce site sont postérieures à 1996 ce qui n'est pas foncièrement étonnant puisqu'aucun plan d'eau n'est visible sur les photos aériennes des années 1960. Dès les années 80, quelques fosses de tourbage ont été creusées alors qu'une partie du site a été utilisée comme décharge (Matthey et Lugon 1999). Entre 1997 et 1998, la décharge a été assainie et une vingtaine de plans d'eau créés. Depuis 2011, la plupart d'entre eux ont été curés en rotation afin de diversifier les niveaux d'atterrissement.
Les inventaires réalisés au cours des années 1990 (
Bas-du-Cerneux (Cachot)
La tourbière du Bas-du-Cerneux n'a quasiment plus été exploitée depuis les années 1960. A cette période, elle présentait quelques fossés et mares, indices de l'ancienne exploitation, ainsi qu'une partie centrale encore relativement préservée avec un complexe typique de buttes de sphaignes et de gouilles. Les travaux de revitalisation entrepris dès 2004 visaient d'une part à curer certaines creuses atterries et d'autre part à construire une palissade dans le fossé principal dans le but de limiter l'assèchement de la tourbière. La restauration de cet ouvrage en 2014 a permis d'augmenter la superficie totale des plans d'eau du marais. De nombreux drains ont en outre été comblés en 2017 et quelques gouilles du haut-marais central ont également été recreusées.
La faune du Bas-du-Cerneux est bien connue depuis les relevés de
Rond Buisson
Dans la première partie du XXe siècle, cet objet était intensément exploité et très peu boisé. Après la seconde guerre mondiale et l'arrêt de l'exploitation systématique des tourbières, le milieu s'est rapidement boisé et continue encore aujourd'hui de se refermer. Entre 2005 et 2016, une quinzaine de creuses ont été curées et deux plans d'eaux ont été créés.
Les inventaires effectués entre 2017 et 2018 ont permis la découverte de plusieurs espèces remarquables à l'échelle du canton de Neuchâtel, du Jura suisse et voire même de la Suisse.
Aeshna subarctica Walker, 1908
Cette tyrphobionte stricte liée presque exclusivement à des habitats primaires est distribuée en Suisse principalement au nord des Alpes (BE, LU, NW, OW). Sa découverte dans le Jura suisse (Vallée de Joux) est récente (
La première observation neuchâteloise d'A. subarctica a été réalisée en 2013 au Bois des Lattes par Samuel Ehrenbold (
Ceriagrion tenellum (De Villers, 1789)
En Suisse, cette espèce est aujourd'hui principalement associée aux prairies à marisque et aux marais de pente calcaires de basse altitude (Gander et Maibach 2014). Elle avait pourtant été signalée à la Vallée de Joux à la fin du XIXe siècle (
Deux mâles isolés ont été observés en 2017 au Bois des Lattes (Fig.
Au nord de son aire de distribution (Angleterre, Belgique, Pays-Bas), C. tenellum s'installe principalement dans des gouilles de hauts-marais acides, comme c'est également le cas en Franche-Comté (
L’exploitation croissante des hauts-marais dans le courant du XXe siècle a privé C. tenellum des habitats colonisés par le passé dans le Jura suisse. La revitalisation des tourbières lui offre de nouvelles possibilités de développement. L'avenir dira si les individus isolés observés à ce jour étaient l'indice d'une réelle recolonisation des tourbières jurassiennes.
Lestes dryas Kirby, 1890
Cette espèce est essentiellement liée aux plans d'eau temporaires ou présentant une forte fluctuation de niveau d'eau (
Leucorrhinia pectoralis (Charpentier, 1825)
Cette tyrphophile, très sensible à la structure de la végétation des plans d'eau qu'elle colonise, a subi un important déclin sur l'ensemble du territoire suisse (
Le retour de Leucorrhinia pectoralis est directement lié aux multiples revitalisations réalisées dans les hauts-marais neuchâtelois au cours des 20 dernières années. Certaines mesures semblent particulièrement favorables, comme l'inondation d'anciennes fosses par la construction de palissades. Lorsque des ceintures de grandes laîches et des buissons sont déjà présents, la colonisation peut être très rapide. Au Bois des Lattes par ex., plusieurs mâles défendaient des territoires en juin 2017 sur un fossé remis en eau l'automne précédent (Fig.
Leucorrhinia albifrons (Burmeister, 1839)
La découverte de L. albifrons en mai 2017 fut l'une des plus grandes surprises de ce suivi. Cinq exuvies ont été trouvées suite à la capture d'un mâle ténéral dans la ceinture de végétation d'un étang aux Ponts-de-Martel. Une vingtaine d'observations ont été réalisées cette année-là sur le même plan d'eau, avec un total de 13 exuvies (Fig.
Cette espèce, l'une des plus rares d'Europe (Sahlen et
La Leucorrhine à front blanc était très discrète sur son site de reproduction en début de saison. Elle a essentiellement été observée se posant sur du bois mort au sol et dans les arbres en périphérie. Par la suite, les mâles territoriaux étaient posés sur les ceintures de Carex rostrata bordant le plan d'eau. Le plan d'eau de reproduction est caractérisé par des anses peu profondes qui présentent d'importantes surfaces de tourbe nue, des herbiers immergés d'Utricularia australis et des tapis de bryophytes (Warnstorfia exannulata). Ces caractéristiques permettent aux eaux de se réchauffer rapidement et offrent des cachettes pour les larves.
L'observation d'émergences deux années consécutives alors que la durée de développement larvaire théorique est de deux ans (Wildermuth et Martens 2019: 625) implique que l'espèce serait arrivée dans la Vallée des Ponts-de-Martel à deux reprises, au plus tard en 2015. Néanmoins, à l'instar de L. pectoralis, il est probable que l'espèce réussisse à boucler son cycle en une année. L. albifrons pourrait alors être arrivée en 2016 seulement. Il est probable que la population d'origine soit celle de la région de Frasne en Franche-Comté voisine, à une cinquantaine de kilomètres des Ponts-de-Martel. Une petite population également découverte en 2017 à Vuillecin (à 30 km des Ponts-de-Martel, F. Mora, comm. pers.) pourrait concerner le même mouvement de populations.
Orthetrum coerulescens (Fabricius, 1798)
Huit observations, concernant une femelle et plusieurs mâles territoriaux, ont été réalisées entre le 20 juin et le 16 août 2018 dans la tourbière du Bois des Lattes et, plus particulièrement, dans des milieux de reproduction de Somatochlora arctica (anciens drains colmatés, fosses remises en eau riches en sphaignes). Certains individus sont restés plusieurs jours au même endroit, mais aucun indice de reproduction n'a pu être observé.
Même si les observations de cette espèce sont régulières dans les tourbières neuchâteloises, aucune preuve de reproduction n'a jamais été rapportée dans le canton. La microstructure du milieu correspond grosso modo à celle des marais de pente colonisés du Jura et du Jura bernois (
Somatochlora arctica (Zetterstedt, 1840)
Cette espèce emblématique des hauts-marais et des marais de transition (
Sympetrum flaveolum (Linnaeus, 1758)
Ce sympétrum est connu pour subir d'importantes fluctuations d'effectifs en Europe de l'Ouest du fait de vagues d'immigration en provenance d'Europe de l'Est suivies d'installations de populations temporaires (Kalkman et Kulijer 2015). En Suisse, les observations se sont fortement raréfiées après 2009 au point que l'espèce a quasi disparu du pays (
A partir de 2005 plusieurs espèces typiques de basse altitude (<800 m) ont été observées pour la première fois à plus de 1000 m dans les montagnes jurassiennes. Les observations peuvent s'expliquer d'une part par l'attractivité des nombreux plans d'eau créés lors des revitalisations et, d'autre part, par l'élévation des températures estivales ces dernières décennies. Pour le moment, nous considérons que les observations ponctuelles de Erythromma viridulum, Aeshna isoceles, A. mixta et Crocothemis erythraea sont liées à de l'erratisme. Par contre, le développement est très probable au Marais de Brot pour Sympecma fusca et possible pour Brachytron pratense au Bois des Lattes (une observation en 2015 et deux en 2018 sur le même plan d'eau à végétation favorable). À relever encore l'implantation de L. pectoralis entre 1000 et 1050 m dans deux vallées parmi les plus froides de Suisse. Cette espèce était encore récemment considérée comme confinée à moins de 600 m pour des raisons climatiques (
Des mesures pour rétablir l'équilibre hydrique au sein des tourbières ont été menées dans de nombreux pays (p. ex.
On voit donc le bénéfice que représente la revitalisation de tourbières pour les populations d'odonates tyrphophiles. Ces milieux secondaires augmentent en outre substantiellement l'offre en habitats favorables pour une grande diversité de libellules. Enfin ces études, tout comme la nôtre, soulignent la nécessité de réagir rapidement, soit avant que les espèces les plus sensibles et les plus emblématiques des tourbières ne disparaissent.
Les revitalisations entreprises dans les tourbières du Jura neuchâtelois depuis 2005, par leur ampleur, par leur diversité et par leur continuité temporelle, ont permis le retour de la quasi totalité des espèces tyrphophiles et tyrphobiontes connues de l'Arc jurassien. Ainsi, plusieurs espèces parmi les plus rares et les plus menacées de Suisse sont récemment réapparues: Leucorrhinia pectoralis en 2008, Ceriagrion tenellum en 2010, Aeshna subarctica en 2013 et Leucorrhinia albifrons en 2017. Certaines ont déjà recolonisé la quasi totalité des marais revitalisés, tandis que pour d'autres les observations restent ponctuelles et leur implantation à confirmer.
Les nombreuses revitalisations planifiées dans les marais de la région pour les cinq prochaines années permettent d'envisager la poursuite de cette dynamique positive. D'autres espèces pourraient ainsi y trouver des habitats favorables. Leucorrhinia rubicunda, bien que présente en faibles effectifs dans le sud de l'Allemagne (Haacks et Mauersberger 2015), pourrait par ex. s'installer au Bois des Lattes. Une observation de 2018 au Katzensee (de Rolf Hangartner (
Le maintien de cette diversité retrouvée est toutefois tributaire de l'application régulière de mesures d'entretien. Selon leur surface, l'atterrissement naturel conduit immanquablement à la fermeture plus ou moins rapide des milieux aquatiques. Les suivis effectués à la tourbière de Rond Buisson ont montré qu'après quelques années sans entretien, les milieux perdent leur attractivité pour les odonates. Il est ainsi indispensable de s'inspirer des expériences zurichoises (
A plus large échelle, les populations reconstituées dans le Jura neuchâtelois améliorent la connectivité des populations de tout l'Arc jurassien et pourront notamment servir de réservoir pour la recolonisation des tourbières des Franches-Montagnes en cours de revitalisation. Comme cela a déjà été démontré (
Nous tenons à remercier le Service de la Faune, des Forêts et de la Nature pour le financement des travaux de terrain et de la rédaction de cet article, de même que les stagiaires qui ont participé aux suivis odonatologiques dans les tourbières neuchâteloises: Lucie Barbier, Maxime Chèvre, Marc Schubert, Marceau Minot et Stefan Gomes. Nous exprimons également notre gratitude à Yves Gonseth pour sa relecture du manuscrit, à Niklaus Müller pour la détermination de bryophytes, ainsi qu'à Jessica Litman pour la traduction du résumé.
Espèces présentes à Sous Martel Dernier (15.1) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.
Sous Martel Dernier | ||||
Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | |
Surface en eau (m²) | 4'519 | 21'693 | 32'182 | 47'882 |
Nombre de plans d’eau | 55 | 57 | 96 | 102 |
Espèces | ||||
Aeshna cyanea | X | X | X | X |
Aeshna grandis | X | |||
Aeschna isoceles | X | X | ||
Aeshna juncea | X | X | X | X |
Aeshna mixta | ||||
Aeshna subarctica | X | X | ||
Anax imperator | X | X | X | |
Brachytron pratense | X | |||
Calopteryx splendens | X | X | X | |
Calopteryx virgo | X | |||
Ceriagrion tenellum | X | |||
Chalcolestes viridis | X | X | ||
Coenagrion hastulatum | X | X | X | X |
Coenagrion puella | X | X | X | X |
Cordulia aenea | X | X | X | |
Enallagma cyathigerum | X | X | X | |
Erythromma viridulum | X | |||
Ischnura elegans | X | X | ||
Ischnura pumilio | X | X | ||
Lestes sponsa | X | X | X | X |
Leucorrhinia albifrons | X | |||
Leucorrhinia dubia | X | X | X | X |
Leucorrhinia pectoralis | X | X | ||
Libellula depressa | X | X | X | X |
Libellula quadrimaculata | X | X | X | X |
Orthetrum cancellatum | X | |||
Orthetrum coerulescens | X | |||
Pyrrhosoma nymphula | X | X | X | X |
Somatochlora arctica | X | X | X | |
Somatochlora flavomaculata | X | X | ||
Sympetrum danae | X | X | X | X |
Sympetrum flaveolum | X | |||
Sympetrum fonscolombii | X | |||
Sympetrum vulgatum | X | X | ||
Sympetrum sanguineum | X | |||
Total: 35 | 15 | 14 | 22 | 31 |
Espèces présentes au Marais de Brot (15.5B) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.
Marais de Brot | ||||
---|---|---|---|---|
Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | |
Surface en eau (m²) | NA | 630 | 2955 | 3733 |
Nombre de plans d’eau | NA | 20 | 23 | 25 |
Espèces | ||||
Aeshna cyanea | X | X | X | |
Aeshna grandis | X | X | X | |
Aeshna juncea | X | X | X | |
Aeshna mixta | X | |||
Anax imperator | X | X | X | |
Calopteryx splendens | X | |||
Calopteryx virgo | X | |||
Coenagrion hastulatum | X | X | X | |
Coenagrion puella | X | X | X | |
Cordulia aenea | X | X | X | |
Crocothemis erythraea | X | |||
Enallagma cyathigerum | X | X | X | |
Ischnura elegans | X | |||
Lestes sponsa | X | X | X | |
Leucorrhinia dubia | X | X | X | |
Leucorrhinia pectoralis | X | X | ||
Libellula depressa | X | X | X | |
Libellula quadrimaculata | X | X | X | |
Orthetrum cancellatum | X | |||
Orthetrum coerulescens | X | |||
Pyrrhosoma nymphula | X | X | X | |
Somatochlora arctica | X | X | ||
Somatochlora flavomaculata | X | X | ||
Sympecma fusca | X | |||
Sympetrum danae | X | X | X | |
Sympetrum flaveolum | X | |||
Sympetrum fonscolombii | X | X | ||
Sympetrum sanguineum | X | X | ||
Sympetrum striolatum | X | X | ||
Sympetrum vulgatum | X | X | ||
Total: 30 | NA | 17 | 20 | 28 |
Espèces présentes au Bas-du-Cerneux (16.2) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.
Bas-du-Cerneux | ||||
---|---|---|---|---|
Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | |
Surface en eau (m2) | 2'002 | 14'605 | 14'882 | 14'882 |
Nombre de plans d’eau | 25 | 38 | 40 | 40 |
Espèce | ||||
Aeshna cyanea | X | X | X | X |
Aeshna grandis | X | X | X | |
Aeshna juncea | X | X | X | X |
Anax imperator | X | X | ||
Calopteryx splendens | X | X | ||
Calopteryx virgo | X | X | ||
Ceriagrion tenellum | X | |||
Chalcolestes viridis | X | |||
Coenagrion hastulatum | X | X | X | X |
Coenagrion puella | X | X | X | X |
Coenagrion pulchellum | X | |||
Cordulegaster bidentata | X | |||
Cordulegaster boltonii | X | |||
Cordulia aenea | X | X | X | |
Crocothemis erythraea | X | |||
Ischnura elegans | X | X | ||
Ischnura pumilio | X | |||
Lestes dryas | X | |||
Lestes sponsa | X | X | X | X |
Leucorrhinia dubia | X | X | X | X |
Leucorrhinia pectoralis | X | X | ||
Libellula depressa | X | X | X | |
Libellula quadrimaculata | X | X | X | X |
Onychogomphus forcipatus | X | |||
Orthetrum cancellatum | X | X | ||
Orthetrum coerulescens | X | X | ||
Pyrrhosoma nymphula | X | X | X | |
Somatochlora arctica | X | X | X | X |
Somatochlora flavomaculata | X | X | ||
Somatochlora metallica | X | |||
Sympetrum danae | X | X | X | X |
Sympetrum flaveolum | X | X | ||
Sympetrum sanguineum | X | X | X | |
Sympetrum striolatum | X | |||
Sympetrum vulgatum | X | X | X | |
Total: 35 | 22 | 11 | 29 | 21 |
Espèces présentes à Rond Buisson (18) par période, avec l'évolution de la surface et du nombre de plan d'eau.
Rond Buisson | ||||
---|---|---|---|---|
Avant 1996 | 1996–2004 | 2005–2016 | 2017–2018 | |
Surface en eau (m2) | 853 | 853 | 3'304 | 3'304 |
Nombre de plans d’eau | 45 | 45 | 47 | 47 |
Espèce | ||||
Aeshna cyanea | X | X | X | |
Aeshna grandis | X | X | ||
Aeshna juncea | X | X | ||
Anax imperator | X | |||
Calopteryx splendens | X | |||
Calopteryx virgo | X | |||
Chalcolestes viridis | X | |||
Coenagrion hastulatum | X | X | X | |
Coenagrion puella | X | X | X | |
Coenagrion pulchellum | X | |||
Cordulia aenea | X | |||
Epitheca bimaculata | X | |||
Erythromma najas | X | |||
Gomphus vulgatissimus | X | |||
Ischnura elegans | X | |||
Lestes sponsa | X | X | ||
Leucorrhinia dubia | X | X | X | |
Leucorrhinia pectoralis | X | X | X | |
Libellula depressa | X | |||
Libellula quadrimaculata | X | X | ||
Orthetrum cancellatum | X | X | ||
Pyrrhosoma nymphula | X | X | ||
Somatochlora arctica | X | X | ||
Somatochlora flavomaculata | X | X | ||
Somatochlora metallica | X | |||
Sympecma fusca | X | |||
Sympetrum danae | X | X | ||
Sympetrum sanguineum | X | |||
Sympetrum vulgatum | X | X | ||
Total: 29 | 5 | 2 | 27 | 15 |